L’école : en attendant les robots

Le 30 novembre, s’est tenu à l’initiative de Planète Robots un débat sur le thème de l’éducation et la robotique. Nous tenons à remercier le lycée Raspail, qui a mis à notre disposition la salle où s’est tenu le débat et nous a chaleureusement accueillis. Tous nos remerciements également à ceux qui y ont participé.

Pour les industriels de la robotique :

Stéphane Bonnard-Cantegreil(SB). Cogibot. Vente à distance de produits liés à la robotique.

«Nous souhaitons toucher le jeune public à travers la vente de kits de construction.»

Jérôme Laplace (JL). Génération robots. Commercialisation des robots personnels pour l’éducation et services : formation et conception de programmes. «Le monde de l’éducation représente une part significative de notre activité.»

Emmanuel Moussay (EM). Robopec (Reeti). «L’éducation en robotique est la suite logique de l’apparition de l’informatique dans les classes. Nous souhaitons raviver l’attirance autour du technique.»

Nicolas Boudot (NB). Aldebaran Robotics. «Nous cherchons à mieux travailler avec le monde enseignant pour diffuser plus largement les Nao en développant le contenu pédagogique.»

Maxime Vallet (MV). Président de ROBOT-Education, association pour la promotion des sciences robotiques et responsable commercial de POB-Technology, qui crée des robots destinés à l’éducation.

Harold Knoll (HK). Technobot. «Je travaille sur différents produits robotiques, notamment liés à l’éducation.»

Pour l’éducation :

Pascale Costa (PC). Enseignante au lycée Raspail en classe préparatoire et en seconde en sciences de l’ingénieur. «Les robots sont ce qu’il y a de plus attrayants pour nos élèves en terme de systèmes mécatroniques.»

David Janiszek (DJ). Maître de conférence à l’université Paris Descartes. «Nous avons l’expérience de robotique pédagogique autour des Lego Mindstorm et des Nao.»

Bastien Guerry (BG). Association OLPC France (One Laptop Per Child). Projet plus connu sous le nom d’ «ordinateur à 100 $». «Nous avons des projets de connexion avec des robots tels les Lego Wedo. Nous sommes intéressés pour aller plus loin.»

La robotique à l’école maternelle et à l’école primaire

BG : «En Uruguay, OLPC a une expérimentation consistant à envoyer 1000 kits robotiques Lego Wedo, qui se pilotent à partir de notre matériel.»

EM : «En Corée, l’Etat a équipé toutes les classes de maternelle en robot. Nous sommes sur la robotique en tant que moyen, pas en tant que fin.»

DJ : «Les robots y sont utilisés comme répétiteur d’anglais, avec un déploiement de 8000 robots sur 3 ou 4 ans, en substitut des professeurs manquants».

EM : «Cela montre que s’il y a une volonté politique, les moyens suivent».

PC : «Les enseignants en école élémentaire sont souvent de formation littéraire. Cela n’est-il pas une source de blocage ?»

DJ : «Pas forcément, nous avons une formation pour sensibiliser à cette technologie les futurs enseignants. L’appréciation de l’outil est hétérogène, du réfractaire, à celui qui voit le potentiel en tant que support pour passer des notions. En fin de formation, il n’y a qu’une petite partie des étudiants qui reste réfractaires. Par contre, il y a une petite partie des enthousiastes qui deviennent réfractaires, se rendant compte des difficultés de mise en œuvre, souvent dues au manque de culture scientifique.»

BG : «Le retour que nous avons sur l’enseignement de l’informatique est que le facteur crucial est la disponibilité de ressources pédagogique. Si elles sont disponibles, la différence entre littéraire et scientifique s’estompe. Mais il faut les construire avec les professeurs.»

JL : «Nous avons peu de clients dans les écoles élémentaires. Nous connaissons un enseignant itinérant, formé, qui va d’école en école pour monter des ateliers. Ça se passe très bien, mais nous avons peu de demande en-dehors. Je me pose la question : Quel est l’intérêt des robots à l’école élémentaire ?»

PC : «Pour le développement du goût scientifique, c’est fondamental. C’est le moment où les goûts se mettent en place. C’est un moyen de capter l’attention en introduisant la robotique par le jeu.»

JL : «L’introduction du robot permettra également de faire bouger les lignes. Cela fait partie des grandes mutations et aura un effet sociétal au-delà de l’effet éducatif.»

DJ: «Nous avons demandé aux premières années de licence ce que représente la robotique pour eux. Ils sont étonnés qu’elle ne soit pas plus présente dans notre quotidien. Ils sont très demandeurs, même si cela est plus en tant qu’utilisateurs.»

Au collège

PC : «Au collège, il y a l’enseignement de la technologie. Certains collègues utilisent des robots Lego.»

MV : «Le problème au collège est que les budgets sont communs à tous les niveaux. La plate-forme doit donc être transverse de la 6e à la 3e. Si une solution à quelques centaines d’euros ne sert que pour quelques cours, elle ne sera pas sélectionnée. Il y a là une barrière à l’entrée. Il y a des produits, mais pas vraiment adaptés.»

Au lycée

JL : «La coupe de France commence au collège-lycée, mais ce sont déjà des jeunes impliqués dans des clubs.»

MV : «Comme dans beaucoup de domaines, cela commence à partir d’un passionné qui va rassembler quelques collègues autour de lui. Un établissement scolaire nous contacte, sans avoir le budget à lui seul, mais en proposant de fédérer quelques établissements pour monter une activité. De même pour les compétitions. J’ai été agréablement surpris par le niveau de la Coupe de France VEX de robotique organisé par ROBOT-Education.»

PC : «En seconde, notre expérience est très positive. Nous faisons de petits projets avec des objectifs simples. Les élèves y abordent beaucoup de notions scientifiques, ils doivent aussi apprendre à travailler en groupe. Le programme devant fonctionner in fine, ils sont stimulés !»

Etudes supérieures

PC : «En classe préparatoire, les enjeux sont différents : ce sont les fonctions et le comportement du système qui nous intéressent. Nous faisons des allers-retours entre le réel et le modèle. Comme le support est ludique, les élèves ont plus de plaisir : c’est une porte d’entrée, mais nous faisons passer les notions que nous devons faire passer !»

DJ : «L’utilisation de la robotique permet de recycler des sujets anciens, tels le puissance 4 ou le Rubik’s Cube. En informatique, ces problèmes sont classiques, mais le robot donne une autre approche. Un mot est important : Les robots donnent envie. Et il y a un autre aspect : c’est tangible, il y a moyen de concrétiser ce que l’on a appris et de vérifier que cela fonctionne ! Ça permet d’entrer dans une démarche scientifique et d’accrocher les apprenants.»

JL : «Surtout à l’heure où les jeunes sont immergés dans le monde virtuel, cela les ramène à la réalité en les confrontant aux problèmes réels.»

DJ : «Ça leur permet de prendre en compte des problèmes que nous ne rencontrons que dans le monde réel, qui demande une démarche dès la conception, tels la robustesse.»

SB : «Est-ce que le phénomène de consommateur de cette génération fait qu’ils attendent trop de facilité ?»

DJ : «J’ai ce sentiment-là. Que la curiosité est en voie de disparition avec les outils qui permettent d’obtenir rapidement une information. Pour eux, Google donne forcément LA bonne réponse. Par ailleurs, dans un contexte de pédagogie par projets, nous avons montré que les groupes utilisant des robots travaillent deux fois plus que ceux utilisant l’informatique seule et ce dans une meilleure ambiance. Qu’ont-ils appris ? C’est difficile à déterminer. Ils ont touché à plein de domaines. C’est cela la robotique, la rencontre de différents domaines scientifiques. Ça leur donne l’envie d’en aborder d’autres que la robotique, qui reste un moyen, pas une fin.»

Autour de l’école

JL : «Sup Aéro Toulouse utilise des robots pour sa journée d’intégration. Les élèves ont un projet de robotique à mener à bien avec un enseignant. A la fin de la journée, les élèves ont appris à se connaître.»

SB : «En Corée, il y a des expériences pour remplacer en classe des enfants contagieux.»

DJ : «Dans le cadre de la formation et de la reconversion de personnes non qualifiées, des robots ont été mis en œuvre afin d’identifier, d’acquérir et de valider des compétences. Dans cette expérience, la manipulation d’un bras robotisé déplaçant des blocs, permet de conceptualiser et d’introduire la notion d’algorithme. Le formateur peut ensuite orienter les personnes vers des filières de reconversion : la conduite d’un engin de chantier par exemple.»

EM: «La finalité du robot est-elle de remplacer l’enseignant ?»

PC : «Des expériences ont été faites dans des amphis où l’enseignant était remplacé par un cours projeté, les résultats de ces cours à distance étaient moins bons. Tant que le robot n’arrive pas à repérer la lumière dans les yeux des élèves, l’enseignant est irremplaçable !»

L’apport des entreprises

JL : «Nous sommes souvent sponsors d’associations ou de concours et nous proposons des supports pédagogiques en français pour les enseignants.»

MV : «Nous avons des sollicitations des clubs de robotique et des événements. Ils ont besoin de matériel.»

DJ : «Nous avons déposé des demandes de financement avec Aldebaran, pour des recherches sur l’utilisation des robots dans l’enseignement.»

HK : «Nous, nous sommes intéressés pour ouvrir notre entreprise à des passionnés.»

SB : «C’est fondamental d’aider avec les technologies que nous utilisons dans nos entreprises. Cela reste des produits onéreux.»

DJ : «A Paris Descartes, nous avons la volonté de développer un lab au niveau du PRES (Pôle de Recherche et d’Enseignement Supérieur) Paris Sorbonne Cité. Pour permettre au grand public de toucher ces technologies. Selon une autre approche, l’EPFL, en Suisse, a développé une plate forme de robotique peu coûteuse pour collèges et lycées, avec un corps en carton et un capteur.»

MV : «Le MIT et Carnegie Mellon vendent leurs produits. Je pense qu’à terme la démarche des universités française s’en rapproche, également avec la privatisation des universités.»

[…]

L’article dans son intégralité est paru dans Planète Robot n°14 du 1erMars 2012.

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